Après les pigeons du capital, les dindons de l’ Acoss
30 octobre 2012
Les cotisations vieillesse doivent augmenter cette semaine et passer d’un taux de 14,95% à 15,15%. Il n’est pas question ici de critiquer le bien-fondé de cette mesure mais les modalités pour le moins complexes de sa mise en oeuvre imposées par l’administration et qui pourraient relever d’une farce.
L’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale, l’Acoss, a décidé en effet de règles d’application compliquées, émanant de sa propre incapacité à les intégrer dans ses systèmes d’information. L’Acoss transfère ainsi en urgence aux entreprises la charge de cette complexité.
De quoi s’agit-il ?
L’augmentation porte sur la part plafonnée de la cotisation vieillesse. Pour passer de 14,95% à 15,15%, il suffirait simplement de changer le taux dans les différents logiciels de paie.
L’administration en a décidé autrement. Elle a demandé le 5 octobre dernier, pour une application au 1er novembre, de prévoir deux rubriques de cotisations distinctes : une invariant à 14,95% et l’autre à 0,20% avec des règles spécifiques de codification selon les régimes de cotisation.
Cela touche tous les systèmes de gestion de paie en France et les déclaratifs mensuels, trimestriels et annuels des 1 200 000 entreprises ayant au moins un salarié. Cette mesure implique de nombreux aménagements informatiques et engendre des efforts financiers et humains conséquents.
Il est possible que tous les acteurs de paie ne puissent garantir leur application dans les délais impartis. Toutes les entreprises vont en revanche s’interroger sur cette créativité administrative et sa mise en oeuvre opérationnelle. La plupart des entreprises vont devoir re-paramètrer leurs systèmes de paie. Cela va générer sans nul doute de multiples questionnements, des problèmes techniques, des erreurs sur les bulletins de salaire et dans les déclarations sociales. Inutile d’évoquer ici la lisibilité et la volonté de simplification du bulletin de paie pour les salariés !
Outre sa complexité et son délai d’application extrêmement court, cette mesure a un caractère temporaire. A partir du 1er janvier 2013, il n’y aura plus qu’une seule rubrique de cotisation. Autrement dit, l’Acoss met dans sous pression les entreprises afin de déployer une mesure qui devra être détricotée deux mois après. Les entreprises et les �diteurs sont en l’espèce les dindons de l’administration !
« La complexité est un mal sournois qui ronge notre économie »
Les déclarations courantes représentent 50 jours de travail dans une entreprise de 3 salariés et 350 pages pour une entreprise de 10 salariés. Au final, la charge administrative coûte plus de 100 milliards d’euros à notre économie.
Les modalités d’application de cette nouvelle mesure viennent donc s’ajouter à ce flux qui s’amplifie ces derniers mois après la multiplication des dates d’application de la fin des exonérations TEPA et de la hausse du forfait social.
« Notre intention n’est pas de nier la difficulté de la situation générale, bien au contraire » précise Romain Hugot, Président de l’Association pour la Simplification et la Dématérialisation des Données Sociales (SDDS). « Nous souhaitons alerter l’administration afin que cesse la répétition des mesures inutilement complexes pour les entreprises. Nous proposons et attendons plus de concertation en amont avec une étude d’impact préalable à toute mesure touchant au fonctionnement des entreprises. Par ailleurs, dans une circulaire du 23 mai 2011, l’Etat français s’était engagé à appliquer un mécanisme de dates communes d’entrée en vigueur des textes concernant les entreprises. D’une part, chaque texte devait comporter un délai d’application et, d’autre part, cette entrée en vigueur devait s’opérer avec un nombre réduit d’échéances prédéterminées au cours de l’année. Nous demandons au gouvernement de tenir compte de cette circulaire et de l’appliquer ».
Tout ça pour ça ?
Si le bénéfice attendu par l’Etat de l’augmentation des cotisations vieillesse est bien de l’ordre de 387 millions d’euros pour les seuls mois de novembre et décembre 2012, cela fait 276 euros par entreprise concernée. Ainsi en ramenant simplement les chiffres à l’échelle de l’entreprise, en d’autres termes en prenant en considération cet acteur indispensable de l’économie, on mesure tout de suite que les contraintes générées par cette mesure sont bien supérieures à 276 euros par entreprise, soit un déficit et une destruction de valeur pour l’économie globale !
L’Association SDDS dénonce donc la méthode utilisée, qui, si elle permet d’optimiser la gestion de l’administration, risque d’annuler ses éventuels bénéfices par des conséquences négatives sur la compétitivité des entreprises.